A la conquête des e-clients romands

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Paru le 15 Novembre dans Le temps

Internet : Sur l'Arc lémanique, deux nouveaux sites veulent séduire les consommateurs locaux. L'e-commerce redéfinit les règles usuelles.

Vous avez une vie trépidante comme Jack Bauer, le héros de la série télévisée 24 heures chrono ? Vous vous retrouvez un vendredi à minuit avec une envie irrépressible de sushis ? " Les heures d'ouverture des magasins sont totalement insuffisantes", estime Sophie Luthy. Pour y remédier, la Genevoise vient de créer la boutique en ligne 24hchrono.ch. non pas en référence à l'agent précité, mais en raison du concept.

La société propose la livraison de quelque 200 produits de qualité en moins de 60 minutes sur Genève et alentour, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Toute la chaîne est automatisée. Cette conceptrice de logiciels bancaires a mis deux ans avant de franchir le pas. Aujourd'hui, le site reçoit 10 à 15 commandes par jour. Sophie Luthy est sur tous les fronts et doit parfois répondre à des demandes urgentes de clients aisés. «Un client voulait par exemple 100 roses à minuit", s'amuse-t-elle.

« Ceux qui ont pensé que le virage de l'e-commerce n'était qu'un mirage ont tiré des conclusions trop hâtives ».
Se lancer dans l'e-commerce était une évidence, même si elle est consciente que la rentabilité mettra du temps à arriver. « Au moins une année, voire plus. Pour l'heure, explique-t-elle, je dois bien sûr accroître le nombre de fournisseurs et développer l'idée, par exemple dans les services, avec des physiothérapeutes ou des agences de voyages. Elle imagine aussi à terme répliquer le principe à d'autres villes : Lausanne, Zurich et pourquoi pas à l'étranger ? »

« Aujourd'hui, les requêtes pour se lancer dans le e-commerce sont clairement en hausse, indique Alexandre Emch, directeur de l'agence-conseil spécialisée Performances à Lausanne. La preuve ? Nous sommes une dizaine, mais avons dû engager de nouvelles ressources pour répondre à cette demande grandissante. » Mais ce dernier met néanmoins en garde ceux qui pensent qu'il suffit d'ouvrir une boutique en ligne pour voir leur chiffre d'affaires prendre l'ascenseur. « Ce n'est pas un canal de distribution magique, insiste le spécialiste. Ainsi, si les gens sont issus du commerce traditionnel, ils n'ont pas forcément la culture nécessaire pour que leurs affaires se développent sur Internet. » D'où le succès d'agences comme Performances, spécialisées dans cette démarche avec un objectif de retour sur investissement. Pour Alexandre Emch, pas de doute, le mouvement est (re)lancé avec des succès comme Google ou Ricardo à une autre échelle. « Avec la « débulle », ceux qui ont tiré des conclusions trop hâtives », estime Sam Blili, professeur et directeur de l'Institut de l'entreprise à l'Université de Neuchâtel. Pour ce spécialiste, l'e-commerce n'a rien d'un gadget, il a redéfini les règles marketing et constitue désormais un passage obligé pour toutes les entreprises, qui sont à des degrés divers d'apprentissage.

« Le domicile est devenu un espace de consommation à part entière », insiste le professeur. Rappelons qu'une étude de l'Université de Saint-Gall estime que les emplettes sur le Web vont atteindre 6,75 milliards de francs en 209 en Suisse, contre 4,24 milliards l'année dernière. Plusieurs facteurs expliquent cette tendance. Les réticences au paiement en ligne ont été dépassées. Le taux de pénétration globale du Web dans les ménages s'accroit, tout comme la part des jeunes adultes qui ont « grandi avec ».
Pour capter ce (nouveau) public, Arthur Dauchez a eu une autre idée, celle des ventes privées. En France, ce type de sites (ndlr: venteprivee.com vente-du-diable.com, etc.) existe depuis plusieurs années et marche très bien, alors que le territoire suisse était encore vierge, explique-t-il.

D'où son eboutic.ch, qui a démarré en octobre. Les personnes qui s'inscrivent sur le site sont invitées à des ventes de marques à moindre prix. Le parfum d'un grand nom parisien à moitié prix ? C'est possible avec eboutic.ch, appartenant à la société lausannoise eBeez. Le site compte quelque 20 000 inscrits et espère toucher 50 000 utilisateurs d'ici à la fin de l'année. « Nous devrions atteindre l'équilibre financier rapidement, peut-être même au premier trimestre 2008, relève Arthur Dauchez.
Pourquoi certaines marques participent-elles à ces ventes, concurrencées par les outlets (Aubonne, Villeneuve, etc.)? « Elles profitent de ce canal internet pour déstocker, se faire connaître ou tester des produits », explique l'entrepreneur, qui réfléchit d'ores et déjà à une levée de fonds pour développer son concept. » Nous sommes par exemple en discussion avec des marques de voiture, conclut-il.

Dans le canal globalisé d'Internet, existe-t-il de la place pour les « petits » ? Assurément, répond Sam Blili. « Cette diffusion mondiale n'était pas possible auparavant. Internet enlève toutes les barrières à l'international. La langue d'internet est l'anglais, poursuit-il. Alors pensez bien que, dans vingt ans, le premier pays anglophone sera la Chine. Imaginez ce que cela représentera en termes de consommateurs. » Et le spécialiste de penser par exemple aux petits viticulteurs de nos contrées, qui pourraient se faire une clientèle lointaine grâce au Web.

Sophie Luthy. L'initiatrice de « 24hchrono.ch » entend agrandir son nombre de fournisseurs rapidement, pour satisfaire des clients exigeants, aux requêtes parfois loufoques. 

Par Marie-Laure Chapatte

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